Commune V du district de Bamako : Comment une partie des vivres de la COVID-19 a été détournée

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Pour compenser les nombreuses restrictions imposées par le gouvernement  du Mali dans le  cadre de la riposte contre la COVID-19, des centaines de tonnes de vivres ont été distribuées en juin 2020 aux familles nécessiteuses. En commune V du district de Bamako, l’opération de distribution a tourné à un scandale puisqu’une partie des vivres a été détournée.

Au Mali,  la plupart  des opérations  conduites par les municipalités ont, le plus souvent, été marquées par un scandale de corruption. La spéculation foncière, les détournements des fonds, sont autant de griefs qui leur sont reprochés. D’ailleurs, de nombreux maires et conseillers communaux sont en prison ces derniers temps. La Mairie de la  commune V, à l’instar des autres communes du district, n’échappe pas à ces pratiques. Le dernier scandale qui a tenu en haleine les habitants de cette commune est relatif  aux opérations de distribution des vivres du programme d’urgence présidentiel contre  la COVID-19. Plusieurs membres  de la commission de distribution proches de la mairie ont été soupçonnés, voire accusés par les populations de vouloir faire main basse sur les vivres destinés aux nécessiteux.

Une destination inconnue ?

Selon le président de la commission de veille de cette distribution, Hamidou Traoré, tout est parti des opérations de distribution du quartier de Daoudabougou. En ce moment, un proche du chef de quartier est venu  réceptionner ses sacs de riz et de céréales  lorsqu’il a été informé par ceux chargés du partage de vivres  qu’un autre les avait déjà retirés avec le numéro du ticket du bénéficiaire. Surpris, l’intéressé  décida de protester auprès de la commission de distribution de la mairie dirigée par le troisième adjoint au maire, Adama Konaté. C’est ainsi que le président du comité de veille décide de redoubler de vigilance en menant une enquête interne afin de démasquer les éventuels responsables de cette pratique peu orthodoxe. Très vite, les enquêtes ont permis de découvrir un réseau de fabricants de tickets parallèles qui, selon les témoignages  Hamidou Traoré, était conduit par le délégué au développement social de la mairie, Sourou Dembélé.

Notre témoin de poursuivre que les enquêtes ont également permis de découvrir les vivres du programme d’urgence présidentiel de COVID-19 dans le marché. Un commerçant-receleur installé dans le marché de Sabalibougou a été dénoncé par une source anonyme. Arrêté et auditionné par la police, celui-ci n’hésita pas à dénoncer un conseiller proche du maire qui n’est d’autre que le même délégué au développement social de la mairie.

Les deux suspects furent directement arrêtés par la police, puis auditionnés. Selon les informations recueillies, ils passèrent aux aveux en dénonçant, au cours des auditions, un troisième suspect. Ces révélations ont permis de démasquer toutes les personnes suspectées d’être au cœur du détournement et les nombreuses caches de riz dissimulées dans des entrepôts gardés secrets. Le président de la commission de veille chiffre les vivres détournés à une centaine de sacs «de quoi?».

« Des conseillers du maire accusés »

D’autres sources au sein du conseil communal de la jeunesse avancent des chiffres différents. Elles font état des centaines de tonnes de vivres volatilisées et indexent la responsabilité des conseillers du maire siégeant dans la commission de distribution mise en place pour la circonstance. Les mêmes sources indiquent que sur les 587 tonnes de riz livrées à la commune, 147 tonnes ont  manqué à l’appel.  S’agissant des 783 tonnes de céréales transformées, 416 tonnes se sont volatilisées dans la commune, selon nos interlocuteurs.

Ces informations ont été  confirmées par le chef quartier de Sabalibougou, Dramane Keïta et ses cinq conseillers que nous avons rencontré au complet. Selon les témoignages de Dramane Keïta, son quartier a reçu 140 tonnes de riz et de céréales transformées que la commission mise en place dans son quartier a distribuée sans enregistrer le moindre incident. Il explique le succès de l’opération de distribution dans son quartier suite à l’exclusion de la commission de la mairie dans le partage des vivres. Mais, la chefferie reproche à cette commission de n’avoir pas livré la totalité des vivres qui étaient destinés aux populations de Sabalibougou. « Nous avons perdu 12 tonnes de vivres et nous ignorons quelle direction elles ont pris. Elles étaient constituées de spaghetti », a révélé Salif Fané, l’un des conseillers du chef de quartier.  Lequel affirme aussi avoir comme voisin un conseiller à la mairie, qui a reçu à lui seul 50 sacs de vivres composés de riz et de céréales transformées.

Outre ce témoignage, le chef de quartier et ses conseillers ont accusé à l’unanimité le 3ème adjoint du maire, Adama Konaté, président de la commission de distribution,  d’avoir vendu 100 sacs de vivres chargés à bord de 10 tricycles pour satisfaire les doléances des militants qui lui sont proches.

Interrogé par nos soins, le conseiller Adama Konaté a nié en bloc les faits dont on l’accuse. « Je ne me reproche rien dans cette affaire. J’ai agi en toute transparence pour l’intérêt de ma commune », se défend-t-il. Face à notre insistance, il a fini par se rétracter en reconnaissant avoir monnayé les 10 sacs distribués à chaque conseiller du maire pour payer un bœuf pour un groupe de vieux installés à Sabalibougou. «  J’ai monnayé ma part de 10 sacs pour acheter un bœuf à ce groupe de vieux », a-t-il reconnu.

Contrairement à ce qu’il avance comme justification, le président du comité de veille de cette distribution affirme que les conseillers ont trouvé leur part de dix sacs insuffisants. Et ils n’auraient pas hésité à augmenter leur part. De quoi amener toujours la chefferie de Sabalibougou a accusé les conseillers de la mairie d’avoir orchestré la vandalisation des magasins de stockage de vivres au quartier Mali pour camoufler leur forfaiture. «Les vivres sortaient nuit et jour dans les magasins sans qu’on dise à qui ils étaient destinés. Les populations ont été témoins des déplacements des véhicules dans la cour de l’école du quartier Mali où les vivres étaient stockés », proteste un témoin.

« 563 tonnes volatilisées »

Selon les explications de la commission de distribution corroborées par la commission de veille, 110 tonnes sur les 147 tonnes  de vivres qui étaient stockées dans ce site ont été emportées par les pilleurs.

Pour de nombreux interlocuteurs que nous avons interrogé au cours de cette enquête, le pillage desdits magasins est un camouflet pour les conseillers du maire de la commune V impliqués dans le détournement des vivres  pour justifier leur forfaiture. Ils indiquent que sur les 1 370 tonnes de riz et de céréales transformées affectées à la commune, 563 tonnes  ont été volatilisées   entre les mains de  ceux qui étaient chargés de la distribution des vivres. Pour ce faire, nous avons tenté de mettre la main sur le rapport final de distribution des vivres pour comparer les chiffres. Nos efforts sont restés vains tant  le président de la commission de veille, le 3ème adjoint du maire et le secrétaire général de la Mairie nous ont dissuadé de renoncer à cette enquête estimant que c’est un dossier déjà clos.

Enquête réalisée par Siaka DIAMOUTENE/ Maliweb.net

 

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