Burkina : « Il ne sera pas question de nous laisser dominer par un partenaire, qui qu’il soit », dixit le Premier ministre Kyelem de Tambèla

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Nommé le 21 octobre 2022, et conformément aux dispositions légales, le Premier ministre Apollinaire Kyelem de Tambèla, a fait sa Déclaration de politique générale, ce samedi 19 novembre 2022 devant l’Assemblée législative de Transition. Une feuille de route qui a brassé large et qui remet sur scelle, les idéaux de Thomas Sankara. Nous vous proposons ci-dessous l’intégralité de cette Déclaration de politique générale.

Article 63 de la Constitution

Excellence, monsieur le Président de l’Assemblée législative de Transition, honorables députés, mesdames et messieurs,

Avant toute chose, je voudrais demander qu’ensemble nous observions une minute de silence en la mémoire de toutes les victimes du terrorisme.
Je vous remercie.

Excellence ! Mesdames et messieurs les députés.

1- Il a plu au chef de l’État, le Capitaine Ibrahim Traoré, de porter son choix sur ma personne pour assumer la fonction de Premier ministre de la Transition. Je voudrais ici lui témoigner ma reconnaissance pour cette marque de confiance. Permettez-moi, en son nom, au mien propre, et au nom de l’ensemble du Gouvernement, d’adresser à chacun de vous, nos vives félicitations pour son élection à l’auguste Assemblée.

Les circonstances qui ont conduit à la rectification de la Transition font de vous nécessairement des députés de mission et non de gestion. Nous avons une mission commune, rendre le Burkina Faso aux Burkinabè. Essayer de le mettre sur les rails afin que sa destinée soit non seulement plus sécurisée, mais aussi plus radieuse. C’est ce à quoi s’attèle le chef de l’État et le Gouvernement.

2- Je ne suis pas venu faire un discours protocolaire pour complaire à des formalités. La situation du pays ne le permet pas et impose une autre façon de faire. Je ne suis pas venu pour un long discours. La qualité d’un discours n’est pas nécessairement fonction de sa longueur. Je ne suis pas venu égrener un chapelet de promesses de réalisations.

3- Je suis venu vous demander, tout au long de votre mandat, de donner au Gouvernement les moyens d’action pour répondre aux aspirations du peuple burkinabè. Ces aspirations sont connues : ce sont la restauration de l’intégrité territoriale du pays et la sécurisation des personnes et des biens (I), le bien-être des Burkinabè (II) et la refondation de la société par une gouvernance vertueuse et visionnaire (III). Pendant le temps de la Transition, le Gouvernement s’attèlera à la réalisation de ces objectifs.

I- Du recouvrement de l’intégrité territoriale et de la sécurisation des populations

4- Le chef de l’État en a fait son cheval de bataille. Le recouvrement de l’intégrité territoriale est, avec la sécurisation des populations, la priorité des priorités. Le Président du Faso, chef suprême des armées, est en train de procéder à une profonde réorganisation de l’armée pour la rendre plus opérationnelle et plus efficace. L’essentiel des moyens sera orienté vers la sécurisation du territoire et des populations. Moyens matériels, et financiers, aussi bien qu’humains, culturels et spirituels. Car, si le vivre ensemble est aujourd’hui mis à mal, c’est aussi parce que, culturellement et spirituellement, la société a failli quelque part.

Nous refusons parfois d’être nous-mêmes, pour nous réfugier confortablement dans la culture et la spiritualité des autres, conçues à des moments donnés de l’Histoire, pour des civilisations données, et qui sont parfois loin de nos réalités actuelles. Aucune morale de nos ancêtres, aucune spiritualité de nos ancêtres ne disent de s’en prendre aveuglément à des populations innocentes, de brûler leurs récoltes, de piller leurs biens et leur bétail, ou encore de s’en prendre à celui qui n’a pas la même culture ou la même spiritualité que soi.

5- Bien avant la pénétration coloniale, nos ancêtres vivaient dans la cohésion sociale, malgré bien sûr quelques difficultés ponctuelles et des conflits sporadiques de moindres envergures. Nous devons donc nous ressaisir, pour transmettre nos vraies valeurs à la société. De tout temps, il a toujours existé partout des délinquants, des bandits, des hors-la-loi.

Néanmoins, si nous respectons nos valeurs, les éléments égarés seront facilement repérés, isolés, ciblés et traités comme il se doit. Il nous faut accepter d’engager une transformation de nos mentalités.

6- Le terrorisme qui nous a été imposé, et dont les failles de notre société a permis l’extension, a conduit beaucoup de nos frères et sœurs à abandonner leur terre, leur histoire, leur culture, leur famille pour se retrouver, dans le meilleur des cas, dans des centres d’accueil où ils survivent dans une situation de précarité extrême, dépendant des œuvres de charité.

Le Burkina Faso compte actuellement environ deux millions de déplacés internes. Le Gouvernement veillera à la mise en place d’un plan de réponse et de soutien aux personnes vulnérables à l’insécurité alimentaire et à la malnutrition. Il est d’un coût d’environ 240 milliards de F CFA, au profit de plus de trois millions de personnes.

Les personnes déplacées se trouvant dans des zones d’accès difficile seront ravitaillées par des opérations spéciales terrestres et aériennes, dans la collaboration entre civils et militaires.

7- En outre, le 9 novembre dernier, un Plan opérationnel d’appui à la campagne agricole de saison sèche 2022-2023 a été adopté. Il est d’un montant global d’environ 11 milliards F CFA pour 60 000 tonnes de céréales et 20 000 tonnes de produits maraîchers attendues. Des intrants et des équipements seront accordés aux producteurs en général, et aux personnes déplacées internes en particulier. Aussi, l’Académie Nationale des Sciences, des Arts et des Lettres du Burkina Faso (ANSAL-BF) a mené une étude sur un projet de sécurité alimentaire à court, moyen et long terme. A court terme, ce projet prend en compte le volet production de céréales et de protéines animales. D’un cout initial de 11 milliards, il devrait permettre de couvrir les besoins en céréales de 110 000 tonnes des personnes déplacés internes selon l’étude, sur la période des 6 mois à venir.

Aussi, des projets de redressement de la filière avicole fortement touchée par la grippe aviaire et le terrorisme sont en cours d’élaboration.

8- L’insécurité n’est pas seulement celle causée par le terrorisme. Elle existe aussi dans nos cités, dans les rues, dans les familles. Elle provient aussi d’un mauvais encadrement ou d’un manque d’encadrement des individus et de la société. Combien d’accidents de la route auraient pu être évités, des mutilations épargnées, et des vies sauvées si chacun respectait simplement le code de la route ? Le Gouvernement veillera à une meilleure appropriation du code de la route par les citoyens et à une application rigoureuse des différents textes encadrant la circulation routière.

9- La délinquance juvénile dans les cités a pris de l’ampleur ces dernières années. Paraître irrespectueux, est devenu la norme dans certains milieux. De tels comportements, s’ils ne sont pas jugulés, peuvent finir par nourrir le grand banditisme et le terrorisme, car ils favorisent les infractions aux normes sociales.
L’État ne peut pas intervenir dans chaque famille, mais l’État peut veiller à éradiquer l’incivisme dans les cités et les espaces publics. Le Gouvernement y veillera à travers une gouvernance axée sur l’exemplarité mais aussi sur les récompenses et sanctions.

10- Pour la restauration de la paix et de la cohésion sociale, je vous demande donc de réfléchir sur les textes que vous serez amenés à proposer ou à adopter, afin qu’ils soient conformes aux aspirations de paix et de stabilité morale et spirituelle de notre peuple. Je vous demande de ne pas tarir d’initiatives et d’imagination quant aux propositions pertinentes allant dans ce sens.

II- Du bien-être des Burkinabè

11- La paix sans le développement est une paix fragile. Elle pourrait être perturbée par n’importe quel évènement, si insignifiant soit-il. La cohésion sociale sans le bien-être est également fragile. Une société ne peut être en harmonie que si chaque élément de la société s’y épanouit en fonction de ses aspirations. Le bien-être est donc au cœur de la vie sociale.

Le Gouvernement veillera donc sur ce point par des mesures concrètes, incitatives et d’orientation. Nous ne pouvons pas assurer le bien-être de la majorité si nous fermons les yeux à nos réalités, tout en les gardant grand-ouverts sur celles des autres. C’est dans la prise en compte de nos potentialités que nous serons à même de construire une société harmonieuse avec la participation de tous.

Le Gouvernement encouragera par conséquent la production nationale et la consommation des produits locaux. Ce qui ouvrira des perspectives plus heureuses à nos producteurs, nos ingénieurs, nos artisans, nos restaurateurs, tout en stimulant leur ingéniosité et leur créativité.

A) L’agriculture

12- Le coton que nous produisons en abondance est pour l’essentiel destiné à l’exportation sans une réelle valeur ajoutée. Pendant ce temps, les vêtements que nous portons proviennent essentiellement de l’étranger, quand bien même ils n’ont pas toujours autant de qualité que ceux que nous livrent nos couturiers avec la cotonnade locale. Pour paraphraser le Président Thomas Sankara, je dirai que les vêtements que je porte ici sont le fruit de nos producteurs de coton, de nos tisserands et de nos couturiers.

Pas un fil n’est venu de l’étranger. Je ne suis pas venu pour un défilé de mode. Je veux simplement montrer de quoi peuvent être capables nos populations, pour peu qu’on leur donne l’occasion de se réaliser. Nous pouvons ainsi donner du travail et des perspectives à nos producteurs et à nos créateurs. Le Gouvernement encouragera donc le port généralisé du faso dan fani et son adoption dans les uniformes scolaires, militaires et hôteliers, de même que dans les agences de tourisme et pour les guides touristiques.

13- Le Burkina Faso produit des fruits et des céréales qui, faute de moyens adéquats de conservation, périssent pendant la période des récoltes, ou sont bradés à des spéculateurs sans scrupule qui, pour les céréales, les revendent à prix d’or pendant la période de soudure.

Il s’agira donc, dans un premier temps d’innover dans la recherche de moyens de conservation, et dans un deuxième temps de mettre en place des ateliers ou des unités de transformation des produits agricoles et maraîchers. Des instructions ont déjà été données dans ce sens.

B) L’élevage

14- Le Burkina Faso est l’un des grands pourvoyeurs de bétail dans la sous-région. Est-il raisonnable que les pays côtiers achètent le bétail du Burkina Faso, alors même que la viande y est vendue pratiquement au même prix qu’au Burkina, et de surcroît de meilleure qualité ? Décidément, quelque chose doit être fait dans ce domaine. Il nous faudra penser à limiter la sortie du territoire du bétail sur pieds.

Ce qui mettra à la disposition de nos populations de la viande de meilleure qualité pour l’alimentation, tout en mettant à la disposition des artisans et des ateliers de tannage, de la peau de qualité en abondance pour l’artisanat et l’industrie du cuir.

15- La sortie massive du bétail sur pieds ne favorise pas une articulation heureuse entre l’agriculture et l’élevage. C’est cette articulation qui, en Mésopotamie, a été à l’origine de la civilisation actuelle il y a près de dix mille ans. Après l’avènement de l’agriculture, la domestication des animaux de trait a permis l’invention de la charrue, de la roue, de la charrette, et plus tard du carrosse et de la voiture automobile. L’amélioration de la production agricole par l’usage de la charrue a permis l’accumulation qui allait donner naissance aux premiers ateliers de transformation…

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